Communication

Communication RSE, comment éviter les pièges du greenwashing?

Par Maxime Petit-Casalonga - Directeur de clientèle - 12 Mar 2023

La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) est au cœur des préoccupations actuelles. Comment les entreprises peuvent-elles avoir un impact positif sur la société tout en restant économiquement viables ? Alors que la rareté des matières premières, l’inflation et les crises géopolitiques marquent « la fin de l’abondance » au profit de la sobriété, les marques sont confrontées à un défi de taille : comment communiquer sur ces enjeux sans être accusées de greenwashing ? Dans cet article, nous explorerons les complexités de cette équation délicate, où l’argument du développement durable est utilisé à tort ou à raison. 

Raison d’être et ligne éditoriale RSE

À l’heure de l’alignement entre marque commerciale, corporate et employeur, la notion de RSE impacte l’ensemble de l’entreprise, amenant les marques à se questionner sur leur « raison d’être », promue par la loi Pacte(1). Ce travail est l’opportunité de donner du sens à la vision d’entreprise. C’est pourquoi il est essentiel que la raison d’être soit plus qu’un simple exercice de communication, mais plutôt un véritable engagement en faveur de la RSE, pouvant amener à repenser jusqu’à son business model.

En tant qu’agence conseil, notre approche chez Manitoba est de construire avec les marques des éléments de communication tangibles et non-préjudiciables. Nous préconisons, entres autres, la rédaction d’une ligne éditoriale qui puise ses fondamentaux dans les actes concrets de l’entreprise et la politique RSE. L’objectif est de formaliser les sujets à investir et la façon d’y répondre, les nuances de propos et la sémantique à adopter, une sorte de guide pratique pour parler de RSE sans compromettre le business de l’entreprise.

À défaut de changer le monde, vous pouvez déjà changer votre monde ! Et c’est bien cette singularité qu’attendent les consommateurs, des citoyens avant tout. Cela suppose d’accepter qu’il reste du chemin à parcourir avec humilité et transparence et d’assumer la stratégie des petits pas.

Un nouveau récit pour la communication responsable

Si l’on peut déplorer un sentiment de RSE washing ces dernières années, il y a dans cette quête de « la parole juste » un effet salutaire. Il semble que la communication revienne à sa valeur première, celle de l’information, s’éloignant ainsi quelque peu de sa dimension consumériste.

La transition écologique est sans doute l’enjeu le plus intéressant des dernières décennies pour les communicants, celui d’inventer de nouvelles narrations. Si la publicité est décriée pour véhiculer des stéréotypes et influencer les modes de vie, c’est bien qu’elle a le pouvoir de modifier l’imaginaire collectif. La communication responsable doit être capable d’écrire de nouveaux récits et de promouvoir des imaginaires responsables. La publicité a désormais la mission de rendre désirable la sobriété, le consommer différent et de ringardiser nos vieilles habitudes… à nous d’inventer un lifestyle durable et raisonné pour inviter chaque citoyen à revoir sa façon d’agir et de consommer.

Pour preuve, selon Edelman Earned Brand, 65% des français achètent une marque selon leurs convictions et 49% pensent que les marques peuvent faire plus que le gouvernement pour résoudre les problèmes sociaux.

Les marques sont donc invitées à ne pas avoir honte de leurs imperfections, mais à assumer consciemment toutes les externalités que génèrent leur business ainsi que le travail qu’il reste à accomplir pour tendre vers un impact minimum. Face à cette tendance(2), il serait périlleux de vouloir communiquer à tout prix sur les sujets RSE sans les maîtriser totalement au risque de s’exposer à un bad buzz.

5 écueils de com RSE à éviter

En effet, les fonctions marketing sont souvent hésitantes à aller sur le terrain de la RSE par crainte de l’exposition médiatique et d’un « name and shame ». Voici quelques conseils pour éviter certains écueils de la com RSE : 

  • 1. N’utilisez pas des termes galvaudés. La tentation est grande de créer des vocabulaires marketing « vert » tant cela est à la mode. En haut et place des termes les plus bullshit : la neutralité carbone (ou zéro carbone), une notion fourre-tout désormais encadrée depuis le 1er janvier 2023(3). Afin de rester vigilant, demandez-vous si le terme utilisé n’entre pas en contradiction avec une des externalités de votre entreprise.
  • 2. Ne confondez pas raison d’être et concept. Il serait hasardeux de faire de votre raison d’être une opération de com, au point d’affaiblir vos bonnes intentions et votre crédibilité. Posez-vous simplement cette question « Comment puis-je être utile à la société en tant qu’entreprise ? ». Fort de cette réflexion, mettez en œuvre les leviers permettant de tenir vos engagements sur la durée. La force de l’action permettra d’incarner votre propos.
  • 3. Évitez les biais de communication. Il pourrait être séduisant de communiquer sur une action vertueuse de l’entreprise (cf. je plante des arbres), mais qui ne serait pas signifiante par rapport à l’impact environnemental global de votre activité (cf. campagne Amazon sur les éco-pâturages). Il ne suffit pas de s’acheter bonne conscience en pratiquant la compensation, mais bien de réduire les émissions carbones. Développez une vision holistique plutôt que de vous concentrer sur des micro-initiatives afin que votre discours de marque soit aligné avec vos engagements. 
  • 4. N’avancez rien sans preuve. Vous avez de l’ambition et vous souhaitez communiquer sur vos belles intentions… ne le faites pas sans preuve. Il y a souvent de trop grands écarts entre la promesse et la réalité (cf. campagne EasyJet promettant le voyage zéro émission d’ici à 2050 sans aucune preuve de faisabilité). Préférez plutôt mettre en perspective ce qu’il vous reste à faire pour atteindre vos objectifs, vos consommateurs en seront reconnaissants.
  • 5. Ne mentez pas par omission. Vous ne mentez pas mais vous ne dites pas toute la vérité ? Ce type de pratique est à bannir, trop de messages trompeurs ou équivoques font encore légions en communication (cf. campagne Adidas, Stan Smith 50% recyclée quand il ne s’agit que d’un composant de la chaussure). Côté marketing produit, n’abusez pas du vert sur vos packagings et n’inventez pas de faux labels (cf. Intermarché épinglé pour son éco-label « Pêche Durable »).

Le défi de la transformation des entreprises

Sans une transformation profonde de l’entreprise, la RSE n’a pas de valeur et toute communication est vaine. Les dirigeants ont donc la tâche difficile de rendre compatible leur business model avec les nouveaux enjeux de durabilité.

L’initiative RSE fait alors place à la complexité tant il faut se réinventer. La transformation de la chaîne de valeur (approvisionnement, production, distribution) pose le dilemme de la rentabilité à court terme vs. la durabilité à long terme. Mais également celui de l’attractivité de l’offre dans un contexte d’inflation, tant le critère prix reste déterminant dans l’achat.

Face à tant de challenges à relever, quand certaines questions n’ont pas encore de réponses, la transformation RSE ne peut pas se faire du jour au lendemain. Il est donc nécessaire pour l’entreprise d’avancer par étapes et en toute transparence avec ses clients.

Comment améliorer votre communication RSE ?

  • Donnez vie à votre ligne éditoriale RSE en produisant des contenus de qualité, montrez-vous comme vous êtes et assumez vos imperfections, cette authenticité sera gage de confiance.
  • Favorisez la co-création de contenu : cela vous permettra de générer de l’engagement et d’éviter la méfiance. Avec qui co-créer du contenu ? Produisez du brand content en partenariat avec un média caution, un leader d’opinion ou un influenceur. Les contenus sociaux inspirent et complètent le niveau d’information.
  • Formez vos collaborateurs aux enjeux RSE : la formation des collaborateurs permettra que chacun ait le même niveau d’information, cela permettra d’éveiller les consciences, de comprendre les enjeux et d’avoir des outils pour les décrypter.
  • La RSE ne vous suffit pas ? Certains acteurs sont allés plus loin que la loi Pacte, en formulant une raison d’être extra-financière, définissant alors leurs missions à visées sociétale, sociale et environnementale. Soutient d’associations, création de fondations, fonds de dotations… les initiatives sont nombreuses.

Avec le sujet RSE, les marques ont l’opportunité de faire du marketing durable « une arme de construction massive » pour reprendre la formule de Pierre Volle et John Schouten dans leur livre Marketing (plus) durable(4). Une marque authentique est une marque qui n’est pas parfaite ! Mentionner ses points faibles pour devenir meilleur est le signe que vous êtes un acteur à qui l’on peut accorder sa confiance. Dans ce contexte de transition, à nous agences d’épauler les entreprises et les marques pour rendre lisible cette transformation, afin que la communication devienne un levier de transformation positive. Des paroles… aux actes !

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Sources :

(1) La loi PACTE adoptée en 2019 en France a rendu obligatoire l’inscription d’une raison d’être dans les statuts des entreprises.

(2) Le nombre de créations publicitaires abordant les questions sociétales et environnementales a quasiment triplé entre 2016 et 2022 et s’élève à 2% de toutes les nouvelles publicités, selon la base AdScope de Kantar.

(3) Depuis le 1er janvier 2023, en complément de la loi Climat et Résilience de 2021, les annonceurs ont l’interdiction de vanter un produit ou un service comme « neutre en carbone » dans leur publicité, s’ils ne sont pas en mesure de fournir son bilan carbone et les mesures de compensations.

(4) Disponible aux éditions De Boeck Supérieur : https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807335516-marketing-plus-durable